Il faut beaucoup de temps et de silence pour pénétrer la peinture mystérieuse de François Malbreil et accomoder son regard à ces amples paysages aux couleurs franches.
Depuis de nombreuses années, Malbreil explore un genre pictural vieux de plusieurs siècles, celui du paysage au service du voyage. Comme les enfants, Malbreil semble aimer les ....
Pleine lune sur le cap avec véranda éclairée
Huile sur toile
130 x 162 cm (p3)
1994
Pleine lune sur le Cap Grand'Anse
Huile sur toile
130 x 162 cm (p4)
1994
... voyages fantastiques et c'est de ces voyages que ses peintures rendent compte de manière si trompeusement objective. Cette démarche de peintre voyageur peut paraître paradoxale quand on sait à quel point; dès le siècle dernier, la découverte de la photographie a sonné le glas de ce genre de figuration. Néanmoins, un observateur attentif aura tôt fait de voir que si, dans un style solide et personnel,
Malbreil se plait à transcrire ses impressions visuelles avec une relative objectivité, il le fait à travers une perception de l'espace et sujet qui doit beaucoup aux apports de la peinture de ce siècle. Tributaire d'une tradition dans la quête de ses sujets, Malbreil n'en est pas moins un artiste de ce siècle et l'on décèle aisément chez lui les emprunts, conscients ou non, faits aux peintres contemporains
Pleine lune sur l'océan
Huile sur toile
130 x 162 cm (p5)
1994
Intérieur avec terrasse
Huile sur toile
146 x 114 cm (p6)
1987
La véranda rose
Huile sur toile
81 x 100 cm (p7)
1996
S'il est un courant pictural auquel la peinture de Malbreil pourrait être rattachée, c'est assurément le pop'art tant son œuvre semble à première vue à l'opposé d'une peinture subjective et existentielle. äs plus qu'il ne ressent apparemment un intérêt écologique pour la nature, Malbreil ne paraît
éprouver la nécessité d'impliquer de manière forte l'humanité dans ses œuvres, même si ses paysages parlent toujours de l'homme ; peut-être est-ce d'ailleurs lui, le promoteurs égaré que l'on découvre au gré de ses tableaux, jouissant de la sérénité du soir sous des vérandas calmes et fraîches.
Antilles Bord de mer avec brouettes
Huile sur toile
73 x 92 cm (p8)
1993
Escalier à Grand'Rivière
Huile sur toile
73 x 60 cm (p9)
1989
On retrouve également chez Malbreil l'utilisation tout à fait caractéristique des images du quotidien et de la vie moderne. En effet, il prend souvent pour sujet des objets usuels propres à la société de consommation et les appréhende avant tout comme des images. Elles deviennent les symboles de la culture technologique du vingtième siècle, dans laquelle les sigles
des firmes automobiles ont remplacé les blasons du vieux temps. On citera les pylônes fantomatiques de Nuit rousse ou les pompes à essence d'Ultime station, tableau dans lequel les deux croix nous renvoient au titre de l'œuvre sans que nous puissions dire avec certitude si oui ou non Malbreil a voulu faire là œuvre d'iconoclaste.
La saison de la cane
Huile sur toile
38 x 46 cm (p10)
1997
Une sombre ruelle à midi
Huile sur toile
60 x 28 cm (p11)
1992
Une terrasse couverte en bord de mer - Fuerteventura
Huile sur toile
97 x 130 cm (p12)
1991
Au vu de ces images de la vie moderne multipliés à l'infini, on ne peut nier qu'il y ait quelque chose de profondément positif dans le désir de Malbreil de combler le fossé séparant la vie de l'art. On remarque chez lui de troublantes réminiscences pour la peinture de l'américain Edward Hopper.
Tous deux ont évidemment en commun le goût d'une vie calme entièrement vouée à l'accomplissement de leur œuvre, mais leur attrait pour bien des sujets communs est encore plus troublant. On retrouve chez les deux peintres les mêmes figures solitaires, égarées des escales de hasard.
Terre volcanique Panoramique 1 Canaries
Huile sur toile
60 x 146 cm (p13)
1991
Terre volcanique 2 Maison et palmier Canaries
Huile sur toile
60 x 146 cm (p14)
1991
Avec son merveilleux effet nocturne dans lequel les couleurs primaires composent une étonnante symphonie colorée, la Raffinerie en feu évoque irrésistiblement certaines ambiances chères au peintre américain. La même filiation se retrouve également dans leurs style, caractérisé par une
technique solide, franche et directe. C'est ce qu'évoque si bien le Crépuscule à Sainte-Anne au sein duquel l'eau, le ciel, la végétation et les constructions se dessinent avec une précision d'ombres chinoises, mais des ombres chinoises miraculeusement visitées par la couleur.
Terres volcaniques 3 Eolienne Canaries
Huile sur toile
60 x 146 cm (p15)
1991
Bord de mer avec bidons rouges
Huile sur toile
114 x 146 cm (p16)
1991
Comme Hopper, Malbreil privilégie dans ses constructions la diagonale et, ma plupart du temps, ses camions et ses voitures sont représentés de biais dans le paysage. C'est ce que l'on découvre dans Le camion en feu et Caraïbes, fin de journée. Le monde rendu délibérément sophistiqué par une technique méticuleuse est observé avec détachement, et souvent avec humour. Plus proche de nous, le britannique David Hockney est la seconde référence qu'évoquent plus irrésistiblement encore les peintures de Mlbreil.
Typique du pop'Art, on retrouve chez les deux artistes le même réalisme simplifié servi par un dessin aux stricts contours. On remarque chez Malbreil l'habitude propre à Hockney de transformer les paysages de son quotidien en un décor théâtral et ordonné. C'est ce qui apparaît dans le rigoureux Intérieur avec terrasse ou dans Escalier à Grand'Rivière, œuvre dans laquelle les vulgaires marches de béton se trouvent comme ennoblies par la perspective rigoureuse, l'acuité du dessin et des contrastes colorés.
Un chemin entre les murs blancs et palmiers
Huile sur toile
54 x 65 cm (p17)
1993
Ios
Huile sur toile
114 x 146 cm (p18)
1997
Crépuscule aux arbres coupés en bord de mer
Huile sur toile
81 x 100 cm (p19)
1996
En ce qui concerne l'élaboration des peintures, les deux artistes utilisent souvent la photographie au sein de leurs études préparatoires afin de reconstituer paysages et perspectives dans leur réalité objective,
et ce avant de rajouter leurs "artifices". A partir de ses photographies, Malbreil réalise des œuvres qui, bien plus que des visions hyperréalistes,sont de véritables plans-séquences cinématographiques, médités et construits.
A l'origine de la prédilection de Malbreil pour les tropiques, leur lumière et leur atmosphère, il y a son enfance passée en Martinique. On sent bien devant ses paysages tropicaux à quel point le peintre a pu être marqué par ces ambiances : il les contemple avec attention pour mieux fixer sur sa toile le spectacle du monde, mais, ce faisant, il élague tout ce qui n'est pas essentiel pour mieux retenir
l'unité panoramique. Dans ses sujets, Malbreil s'attache d manière privilégiée aux scènes hédonistes, comme le montre Case avec bougainvilliers. Mis à part quelques exemples récents (Camion jaune en feu, Le skud), ses paysages ne s'attachent pas à décrire le monde moderne à travers la violence et le tumulte mais au contraire à travers des scènes relevant de la permanence de la vie.
Case tropicale sous nuages gris
Huile sur toile
81 x 100 cm (p20)
1995
Station ultime
Huile sur toile
90 x 122 cm (p21)
1993
Station 3 Palmiers
Huile sur toile
73 x 100 cm (p22)
1989
Une route en corniche Tenerife
Huile sur toile
73 x 100 cm (p23)
1989
Caraïbes fin de journée
Huile sur toile
92 x 122 cm (p24)
1988
Plus que de la société, il nous parle du monde et à ce titre, il se permet d'explorer des sujets à priori en marge de la peinture contemporaine.n Dans l(œuvre de Malbreil, revient, telle une constante, le goût sans cesse renouvelé pour les crépuscules somptueux. Omniprésents, les grands arbres aux lourdes frondaisons dominent le béton
et des tôles rouillées car, comme nous l'avons dit plus haut, la vie contemporaine est perceptible dans ces grandes toiles statiques et apaisées. Devant ce vide d'humanité, le spectateur se sent parfois archéologue, découvrant avec appréhension les objets qui seront demain les fossiles de la vie que nous avons connue.
Crépuscule à Sainte-Anne
Huile sur toile
89 x 116 cm (p25)
1989
Crépuscule au Bakoua
Huile sur toile
68 x 81 cm (p26)
1989
Grand cyclone à la vague
Huile sur toile
114 x 146 cm (p27)
1984-86
Déjà, l'abandon est omniprésent et, le long des murs décrépis aux portes béantes, pendent des fils électriques. On découvre dans les paysages de Malbreil des bateaux, des avions, des autos et des camions, peuplant les aéroports ; les usines et les docks. Ces objets semblent échoués au hasard des toiles comme les innombrables jouets qu('aurait laissé derrière elle une enfance mystérieusement envolée (la saison de la cane). Souvent, ces objets du monde contemporain sont sortis de leur contexte et attachés à leur usage ordinaire.
Sujet de prédilection, les différents moyens de transport sont utilisés à contre emploi puisque tous ces véhicules sont représentés arrêtés, bloqués oun embourbés. Vides et scrutant par fois l'obscurité de leurs phares fantomatiques, ils confèrent souvent à la scène qui les représente une angoisse. A l'image des films d'Alfred Hitchcock, l'inquiétant survient ici d'un léger dérapage du quotidien, comme si la tension découlant de cette immobilité et de cet abandon était lourde de menaces.
Anse d'Arlet L'approche du cyclone
Huile sur toile
130 x 162 cm (p28)
1981-82
Les vents du typhon
Huile sur Papier
50 x 65 cm cm (p29)
1995
Comme pour accentuer le silence de ce monde hanté par les totems de la modernité, la lumière électrique, objective et froide, vient balayer objets manufacturés et reliefs naturels comme pétrifiés. Cette lumière électrique semble irradier de l'intérieur des maisons vides que l'on retrouve sans nombre de ses tableaux. Ce qui frappe la première fois que l'on découvre une peinture de Malbreil, c'est la manière tout à fait personnelle
dont le peintre éclaire ses œuvres. Il se sert de la lumière comme d'une force et c'est en elle qu'il sculpte ses sujets. Comme un éclairage de théâtre, cette lumière règne sans partage sur tous les éléments de la composition immaculée, elle est au service de l'immobilité ambiante. C'est une lumière de début du monde. Si dans beaucoup de toiles l'humanité se fait si discrète, c'est que si le décor est planté, l'action n'a pas encore débuté.
Cyclone aux palmiers Le barachois
huile sur toile
38 x 46 cm ( p30)
1995
Raffinerie en feu Tropiques
huile sur toile
73 x 92 cm (p31)
1995
Camion jaune en feu - Tropiques
Huile sur toile
73 x 92 cm (p32)
1995
Dans un monde fait de choses qui passent et au sein duquel même ce qui dure passe un jour, Malbreil immortalise pour nos yeux quelques instants de quotidien. Dans leur ordre impeccable et l'objectivité apparente de leur représentation, les objets fixés sur la toile par Malbreil semblent échapper à la décrépitude et à la mort qui les attend inexorablement. En pétrifiant ainsi les choses,le peintre peut mieux encore les décortiquer et en faire l'inventaire.
Dans la lumière dure des tropiques, les couleurs heurtées disent l'essentiel du paysage : verts et bruns des arbres, blancheur immaculée des petites maisons cubiques, bleu limpide du ciel et long ruban de velours noir des routes. Comme à plaisir, Malbreil joue sur les contrastes et renouvelle à l'envie les harmonies du gris et du vert, la végétation semblant à tout, moment prête à grignoter les murs de béton des cases et des entrepôts.
Skud Golfe
Huile sur toile
89 x 116 cm (p33)
1995
A travers ses contrastes étonnants, Malbreil ose la couleur pure et tout au long du chapelet bariolé de ses toiles, le vert reste le chef d'orchestre de cette féérie. "Il suffit d(un peu de vert, d'une incidence de la lumière solaire ou lunaire et des grotesques apparaissent,
mais aussi de belles masses qui permettent d'asseoir la composition d'une toile ....la canne à sucre est omniprésente avec un vert très particulier, proche du vert véronèse"
(Note de François-René Malbreil écrite en l(île de La Réunion)
Nuit rousse
Huile sur toile
65 x 100 cm (p34)
1993
Au-delà des rencontres matérielles et des évidences que présentent les sujets de Malbreil, il y a aussi le rêve, avec des nocturnes de velours. De retour de voyage, dans le calme de ses ateliers toulousains et réunionnais, Malbreil utilise ses notations, ses aquarelles, ses dessins et ses photographies, et c'est à partir de ces éléments que naissent ses garandes toiles.
Fraude de nuit
Huile sur toile
114 x 146 cm (p35)
1993
Camion en feu Hauts plateaux
Huile sur toile
73 x 92 cm (p36)
1995
Mais il ne faut pas croire que la douceur de ces tropiques entretienne Malbreil dans un sentiment de plénitude extatique et stérile. Loin de se borner aux paysages qu'il connaît déjà et qu'il pourrait explorer sans fin, il rêve toujours ) ces horizons nouveaux
dans lesquels il trouvera de nouveaux sujets et de nouveaux visages, que ce soit en Afrique ou au cœur de la forêt amazonienne. A travers ses amples compositions baignées de lumière, Malbreil invite au plus beau des voyages immobiles
Tamatave inondée
Huile sur toile
114 x 146 cm (p37)
1997
Rabats internes couverture
L'hôtel fut construit à, partir de 1555 pour le riche marchand de pastel Pierre Assézat, capitoul en 1552. L'architecte toulousain, Nicolas Bachelier, édifia le corps de logis, bel exemple de superposition des trois ordres, digne de l'architecture d'un palais romain. A sa mort survenue en 1557, son fils Dominique édifia le pavillon d'entrée, la galerie couverte et la coursière. Resté dans la descendance d'Assézat jusqu'en 1761, l'hôtel devint propriété de la ville de Toulouse en 1895 et abrite depuis les Sociétés savantes de la Ville. Lorsque la Fondation Bemberg envisagea de venir s'installer en l'hôtel d'assézat, d'important travaux de rénovation étaient indispensables et furent entrepris conjointement par celle-ci et par la Ville de Toulouse. Ces travaux permirent d'une part, la restauration du monument et d'autre part, le réaménagement indispensable à la présentation de la collection. Aujourd'hui, les volumes anciens ont été restitués pour donner la réplique à une muséographie actuelle, permettant la mise en valeur des œuvres rassemblées.
Monsieur Bemberg, créateur de la Fondation, appartient à une vielle famille originaire de Cologne, établie en Argentine au milieu du siècle dernier mais ayant toujours conservé des attaches familiales et intellectuelles en Europe? Elevé en France, il a grandi dans un milieu cultivé et artiste, et développé très tôt un goût prononcé pour les arts. Diplômé en littérature comparée de Harvard, Monsieur Bemberg sur être en même temps brillant pianiste, bibliophile, collectionneur cosmopolite et auteur de romans et de pièces de théâtre. Aujourd'hui, il tient à ce que sa collection, fruit d'un parcours guidé par la curiosité, l'éclectisme et le goût, soit désormais offerte au public.