L'année 2018 permis à la ville de Castres de mettre à l(honneur la peinture et la gravure contemporaine avec Nicolas Maldague et la sculpture moderne avec Pablo Cargallo. En 2019, la ville poursuit sa politique en compagnie de François Malbreil qui est présenté au Musée Goya pour l'exposition de printemps. Cet artiste bien connu en région Occitanie nous est cher par ses voyages dans le monde entier ainsi que sa vision étonnante et poétique des paysages lointains.
Ce dernier a accepté d'illustrer l'Espagne à travers trois domaines très particuliers : les jardins andalous (Séville, Grenade, Cordoue), la lumière des îles (Baléares et Canaries) et la nature morte en référence aux bodegons, en particulier ceux de Fransisco de Zurbarian.
Comme toujours, Malbreil nous permet de cheminer à travers ses peintures mais aussi au gré de nombre de gravures exécutées pour la circonstance, domaine dans lequel il est peut-être moins connu. Il y développe une approche sensible, soucieuse du détail dans des atmosphères où la présence humaine est abolie en tant que telle.
François Malbreil, grand habitué des voyages lointains, du pôle à Madagascar se consacre de la sorte à une itinérance toute proche du voyage immobile. Il fait ainsi écho à l'essence des collections hispaniques du musée Goya dont l'un des fleurons n'est autre que La Cour des orangers de Santiago Rusiñol.
Brigitte Laquais
Premier adjoint, délégué à la culture
Séville Casa de Pilatos 2 Bougainvilliers
Huile sur Toile
46 x 33 cm (p3)
2018
Malbreil et l'Espagne
François Malbreil a déjà été présenté au Musée Goya voici vingt-huit ans ; à l'époque sous le titre d'"Années Tropiques"; il nous offrait ses peintures déjà inspirées par ses voyages lointains dans des harmonies douces ou au contraire contrastées. Amoureux des paysages solitaires, de la lumière sous toutes ses formes, il n'a cessé depuis de parcourir notre terre comme le ferait un arpenteur devenu peintre, fréquentant le Pôle, l(Afrique, Madagascar et bien d'autres contrées. Il y a chez Malbreil une régulière attention pour le détail en apparence insignifiant, pour l'anecdote, le moment simple pétri de gestes quotidiens. Il saisit ce dernier tout comme Velásquez l' a fait dans les Ménines et nous le rapporte gr$ace à un croquis, une esquisse qui donnera peut-être - souvent - sa pleine mesure sur la toile petite ou grande. Ce qui importe chez lui, dans cet univers sien, demeure le spectacle ébloui et attendri du monde sans omettre une certaine gravité inhérente à tout artiste véritable
Evoquer la nature fut le souci premier des peintres anciens tout en étant conscients qu'elle nous échappe dans sa réalité profonde, que le moindre mouvement que nous percevons la transforme, nous transforme en son sein. Voilà pourquoi, peut-être, François Malbreil voyage-t-il autant et quand il ne le fait point, il se nourrit du moindre souvenir de ces derniers. On l'attend aussi sur ce rivage, qu'il connit bien.
Voilà pourquoi l'idée s'est fait jour de lui demander des œuvres sur l'Espagne, pays ami et proche, tant diversifié qui était au XIX° siècle, pour les artistes français, la porte de l'Orient. L'Espagne et ses jardins en particulier andalous, hérités de la grande époque du califat de Cordoue ; l'Espagne et ses îles célèbres (Canaries, Baléares) mais aussi l'Espagne intimiste nourrie des natures mortes de Francisco Zurbarian où le moindre objet révèle de par sa texture, sa place et sa mise en lumière une essence quasi divine.
François Malbreil a accepté de relever le défi non seulement par la peinture mais aussi par le biais de la gravure car il fut l'élève de Louis Louvrier à l'école des Beaux Arts de Toulouse. Sa technique en ce domaine nous surprend ; elle adopte résolument un rendu "crayonné" rapide et très suggestif directement issu du croquis d'après nature. Il n'hésite pas à mettre en couleur les épreuves tirées en encre ajoutant cette alchimie précieuse et inhabituelle à l(effet préalable du noir sur le support de papier d'Arches. De la sorte nous parcourons avec lui l'Alhambra, miroir d(eau pour une sublime architecture, les patios de la Casa de Pilatos à Séville, peuplés de luxuriance et de recoins cachés dont on devine qu'ils sont un paradis de toujours, une version du rêve.
Il nous faut donc, à sa suite et sans autre bruit que celui de nos pas, le suivre dans ce périple original ; François Malbreil s'y révèle le meilleur des guides puisqu'avec lui chemine la Poésie.
Il demeure toujours quelque chose des voyages proches ou lointains. Ce quelqye chose nourrit à jamais le voyage immobile, le songe qui n'est qye songe mais pour lequel nous vivons.
Jean-Louis Augé
Conservateur en Chef du musée Goya et Jaurès
Un bar à Gibraltar
Huile sur Toile
46 x 33 cm (p4)
2018
Séville, Casa de Pilatos 1, putto
Huile sur Toile
22 x 33 cm (p5)
2018
Séville, Casa de Pilatos Le chien
Vernis mou et Aquatinte
33 x 43 cm (p6)
2018
Malaga Jardin de la Conception La nymphe fontaine
Vernis mou et Aquatinte
24 x 30 cm (p7)
2017
Détail
Séville Casa de Pilatos 5 Statue
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
24 x 16 cm (p8)
2018
Séville Casa de Pilatos 5 Statue
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
24 x 16 cm (p9)
2018
Cordoue L"Alcazar 3
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
22 x 27 cm (p10)
2018
Malaga, le jardin de la Conception et la grande roue
Huile sur Toile
Diamètre 80 cm (p11)
2018
Cordoue Palacio Viana
Vernis mou
36.5 x 49 cm (p12)
2018
Séville La Caa de Pilatos
Vernis mou
37 x 49.5 cm (p13)
2019
Grenade L'Alhambra 4 Le grand bassin
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
16 x 24 cm (p14)
2018
Cordoue L'Alcazar 1
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
16 x 27 cm (p15)
2018
Séville Casa de Pilatos 6 Flaques de soleil
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
16 x 24 cm (p16)
2018
Costa Brava, terrasse en bord de mer
Fusain sur Toile
130 x 80 cm (p17)
1983
La terrasse
Aussi loin qu'il m'en souvienne, depuis mon enfance passée sous les tropiques, j'ai aimé les terrasses et les varangues, tous les espaces de transition entre lre dedans et le dehors. Assis à une terrasse ou sur le deck d'un bateau glissant dans la nuit, je me laisse absorber par le ciel, les myriades de points lumineux et les reflets des vagues ourlant de blanc la frange du rivage.Le bruit irrégulier du ressac et les effluves iodés m'apaisent. Les lignes droites de la balustrade et les parallèles du plancher ouvrent vers un espace mental. Somme toute, j'aime cette dualité entre la géométrie des hommes et les courbes mouvantes de la nature, deux structures qui s'épousent et se complètent. Une terrasse, le calme d'une nuit étoilée, une mer mystérieuse, des parfums mêlés et des bruits assourdis, le souffle chaud de l'été - une équation possible du bonheur - et, pour le peintre, le défi toujours renouvelé de fixer la fugacité d'un moment de grâce.
Ténérife Une maison en bord de mer
Huile sur Toile
97 x 130 cm (p18)
1991
Ténérife Une route sur la corniche
Huile sur Toile
89 x 116 cm (p19)
1993
Double page
Lanzarote Terre volcanique
Huile sur Toile
60 x 146 cm (p20)
1991
Îles Baléares Effets de lumière
Huile sur Toile
120 x 130 cm (p21)
1986
Les couleurs du désir
A l'atelier comme en voyage, François Malbreil se met à l'ouvrage avant l'aube, dans la nuit finissante, quand la raison encore ensommeillée enfante la lumière. Contre la mort partout à l'œuvre, contre l'universel dépérissement, il oppose depuis plus de quarante ans son travail d'artiste. La toile et le papier se souviendront des premières visions qui ont enchanté ses yeux d'enfant, visions cent fois réagencées dans le grenier de la mémoire. D'où cette part de rêve qui habite son œuvre, même dans ses moments les plus réalistes.
La putréfaction est partout dans la nature, elle corrompt la banane brunie, les figues bientôt moisies. Des ouvrages fabriqués de main d'homme, il ne restera pas davantage : le destin de ces espadrilles effilochées, de ce panier d'osier est déjà écrit. Ce crâne arraché à l'humus témoigne du passé autant que de l'avenir. Ses orbites noires regardent le visiteur-regardeur tel qu'il sera demain. Patrie du catholicisme le plus tragique, l'Espagne, de Zurbarian à Goya, porta à ses sommets l'art du memento mori, du bodegon. Comme les natures mortes d'antan, les compositions savantes de François Malbreil exaltent la vie, la couleur, la lumière pour mieux dire l'éphémère. Vanités.
Bien avant que l'Espagne ne fût l'Espagne, homo sapiens y laissa sa marque dans le paysage comme dans la pierre. Traces fragiles, ni le bronze ni le marbre ne sont assurés de l'éternité. Du noble parc jadis ordonné autour de statues et de colonnes prodigieuses ne subsiste qu'une jungle où s'épanouissent sous un ciel bleu uni toutes les nuances du vert. La peinture fait œuvre de sépulture. Elle sera la dernière demeure de ces espadrilles de corde, de cet escalier colonisé par des herbes folles flamboyantes de toutes les couleurs du désir
L'art de Malbreil frémit de la rencontre entre l'ordre humain, géométrique, rationnel, prévisible jusque dans ses courbes, avec le désordre foisonnant de la nature sous la lumière changeante du jour, improbable de la nuit. Confrontation brutale quand la nature policée et le soleil implacable prennent l'avantage. Mariage d'amour lorsque l'ombre le dispute à la lumière, remue la surface plane d'un mur jaune, caresse - en hommage à Goya - le pelage roux d'un chien assoupi, la joue d'un jeune dormeur. Habité par le sentiment de la perte, Malbreil n'oppose au gouffre que la puissance de l'art
Le chien des sables, en pensant à Goya
Huile sur Toile
46 x 55 cm (p22)
2018
Aéroport Espagne
Huile sur Toile
114 x 146 cm (p23)
1988
Miro s'invite
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
33 x 41 cm (p24)
2018
Calebasse et chapeau
Gravure Réhaussée à l'Huile
32 x 42.5 cm (p25)
2018
Pot à lait et mannequin
Gravure Réhaussée à l'Huile
30 x 42.5 cm (p26)
2018
Zapatas valencianas
Huile sur Papier
28 x 21 cm (p27)
2018
Bodegon au pilon
Gravure Réhaussée à l'Huile
15 x 37 cm (p28)
2018
Poissons Espagne
Aquarelle
50.5 x 65 cm (p29)
1985
Bodegon au crâne de tortue
Gravure Réhaussée à l'Huile
35 x 49.5 cm (p30)
2018
Vertèbre de baleine
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
38 x 46 cm (p31)
2018
Bodegon au crâne de tortue
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
32.5 x 40.5 cm (p32)
2019
Pot en bronze sur fond rouge
Huile sur Papier Marouflé sur Toile
33 x 41 cm (p33)
2019
Catalogue réalisé dans le cadre de l'exposition "Malbreil et l'Espagne"
Du 1er mars au 2 juin 2019 Au musée Goya - musée d'art hispanique Castres
Couverture : Grenade, l'Alhambra 4, le grand bassin, 2018 - Crâne de tortue, 2018
Commissariat de l'exposition : Jean-Louis Augé, conservateur en chef des musées de Castres Valérie AébiSarrazi*y et Cécile Berthomieu attachés de conservation au musée Goya
Conception : musée Goya, service communication, Ville de Castres Impression : Couleurs d'Autan
Edition Ville de Castres ISBN : 978 2 901643-81-4 Dépôt légal : février 2019
La ville de Castres remercie chaleureusement toutes les personnes qui par leur généreux concours ont permis la réalisation de cette exposition et en particulier François Malbreil pour avoir accepté l'invitation de la ville de Castres
Le sommeil sur la parvis de la cathédrale, en pensant aux Caprices de Goya