Les commentaires manuscrits, plus ou moins "lisibles", seront chaque fois que possible transcrits numériquement à proximité immédiate
Sur la passerelle du Marion Dufresne
Le Port - 21 janvier 1998 - Samedi Le Marion-Dufresne est arrivé à quai. Coque bleu nuit, superstructure blanc crème. En une touche de couleur poétique, rouge, bleu nuit en bandeau. Impression de masse
Pour l'heure immobile. Les gerbes d'étincelles de la soudure à l'arc, comme des notes grêles.
Les hangars et quais, variations de gris.
La tristesse sortie sous le vert quasi fluorescent de l'eau
Le long des piles, des gamins sautent à l'eau et jouent, oasis de bonheur.
Les derniers préparatifs. Groupes d'hommes accoudés au bastingage.
Bruit sec de la passerelle que les matelots malgaches achèvent de ranger.
Pluie fine, très vite le MD se détache de la côte pour la pleine mer. Bleu gris moiré crêté de blanc. Oiseaux marins presque noirs rasant la surface de l'eu. Coursives blanches attaquées par le sel. Embruns, Chevelure des vagues journées de mer.
Le MD trace, turbines en fond sonore. La proue vue du PC donne l'ampleur des vagues. Le MD tangue à l'envie.
A bord, le xxx et la salle à manger permet à tout un chacun de faire connaissance. La compagnie océanique Kérémis est orchestrée par une équipe de géophysiciens sismologues. Tectonique des plaques.
Au bar, à bord duMarion-Dufresne, une tomate vodka dans laquelle flottent de gros cubes de glace Le tangage cet après-midi s'est transformé en roulis, et sur le pont supérieur l'horizon joue la tangente avec les rambardes. Le sillage du MD est d'un bleu clair délicat, érodé de blanc. Des albatros dessinent un réseau complexe de lignes aériennes.
Journées passées à dessiner, aquarelles montées par lavis successifs. Lecture sur les transats sur le pont supérieur.
Mardi gras, 24 février. Mer calme, peu de vent. Le MD en croisière. Cendres. En une même journée, du ciel gris au grand soleil, palette météorologique.
Le MD des cales à la passerelle aux deux ponts supérieurs. Une caverne d'Ali Baba où l'on peut tout à loisir déambuler.
Texte sur le fond coloré illisible. A transcrire par FRM
AC'est la compagnie MD 109, Kernimis
Les journées défilent à la vitesse d'un songe. Dans les quarantièmes de latitude Sud, une forte houle balance le MD, et l'on se réveille constamment la nuit, ballotté à l'envie. De gros albatros, des pétrels, des prions suivent le sillage à la couleur bleu mer du Sud -planeurs émérites. Vaste l'océan indien, le rythme des vagues, le vent, le ciel immense, la Terre est sur mer.
Sur le pont arrière, on équipe les canons et les flûtes sismiques pour la campagne océanographique. Le bateau bruisse d'activité.
Samedi 28 février. L'approche des Kerguelen s'est accompagnée d'une nuit sans roulis. Le soleil se lève sur des terres couleur de lave, des plaques de neige accrochées à flanc de pentes.
Le golfe du Morbihan. Palette de gris, champs d'algues brunes, dauphine de convention noirs et blancs.
Port aux Français
Sous ciel gris, les cubes de béton, les préfabriqués ne sont pas aussi laids que leur réputation l'affirme. De gros éléphants de mer se vautrent sous les souilles ; Je suis captivé pars borborygmes et éternuements. Une longue ballade l'après-midi dans les alentours de la base, lacs st sols où l'eau affleure.
Dimanche 1er mars à Port aux Français. Froid, neige fondue - la sortie vers Ratmanoff est prévue pour le lendemain 6 H, car nous devons franchir la rivière à marée basse - Nous : Peter xxx et Patrick les 3 belges de la RTB -Peter, Didier et Jean-Claude .......
........ pour leur film animalier sur les Terres subantarctiques pour le centenaire du baron de Gerlache, sur les traces de cet explorateur polaire qui fit un hivernage de plus d'un an en Arctique.
Lundi 2 mars. Le trajet vers Pointe Morne est irréel. Tant il y a profusion d'animaux, éléphants, oiseaux, otaries, et les inévitables lapins, les manchots royaux.
Après-midi passée à dessiner sur la grève, en plein champ des montagnes assoupies des éléphants de mer.
Nulle part ailleurs que sur la péninsule Courbet ai-je autant eu la sensation d'un état du monde avant l'homme. Ici les animaux sont, existent avec pour seul toit le ciel, adaptés aux rigueurs du climat.
Déambuler dans les vastes étendues recouvertes de graminées sauvages, et écouter le vent, le silence, le cri des oiseaux, les galets qui roulent sous ..........
Les abords de Port aux Français
Sur les plages de sable noir, les grèves de galets, sous les amas d'algues brunes et rouges, les éléphants de mer, royaux et somptueux.
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.......... vague, le ressac.
Et partout les ossements, squelettes, qui signent la vitalité du cycle de la vie et la mort.
C'est en me promenant sur une anse à proximité de Pointe Morne que j'ai trouvé une dent d'éléphant, ancienne et patinée.
La collecte le long des plages a toujours ???
Ratmanoff
Le charme des chasses au trésor. Au passage de la rivière des Calcédoines, j'ai fouillé les galets à la recherche de calcédoines, galets aux verts variés, agates ravageuses, couleur miel. Calcédoines aux bleus profonds, striées, en œil de tigres.
De gros éléphants de mer en surplomb ponctuaient la collecte de leurs éternuements, odeur de souille et de vase.
Le tracteur et la remorque cahotent le long de la piste, empruntent le sable, dès que possible. L'horaire des marées est nécessaire pour le passage ......
..... des rivières Première nuit à Pointe Morne dans la cabane dont l'inconfort est apprivoisé par Peter et Patrick: la logistique-intendance est parfaite? Cela nous laisse le temps de vaquer à nos pensées et desiderata. Les éléphants de mer m'enchantent et je prends plaisir à les dessiner assis tout près d'eux.
Les trois nuits suivantes à Ratmanoff. Après avoir observé les manchots royaux (visite commentée par les ornithologues Charly et Patrick) - et dessiné, je reviens à ma base à pieds, vent de face, bourrasques de grêle et de sable...
Adversité du site, et bonheur accru d'être assis à l(abri, four allumé, à écouter les explications de Charly sur les "manips" manchots royaux
Lendemain, marche dans les collines jusqu'à la rivière des manchots pour une pêche à la truite. C'est un moment quasi irréel - les truites se prennent facilement à la cuillère dans cette rivière torrent.
........... dont les rives sont par endroits peuplées de manchots royaux. Collecte de pierres avec les lichens arborescents. Là encore l'impression de nature est intense. Retour en flânant le lendemain vers Pointe Morne. Une belle otarie mâle sur le chemin
Longue ballade solitaire l'après-midi le long des falaises et sur les galets. Macrosystis échevelées serpentant en mouvements amples vers les algues. L'érosion. Les terriers sont usés, pli d'étranges monticules de terre surmontés d'un chapeau d'herbe.
Ils peuvent atteindre des dimensions imposantes, et on a alors l'impression de se perdre dans un labyrinthe.
De retour à Port aux Français, la base parait l'endroit le plus confortable, avec douche brûlante. Se raser. Se délasser sans empiler les couches de vêtements. Les deux derniers latins sur la base sont lumineux, sans vent - Et les nuages se teintent de rosés et de jaunes délicats.
Dimanche 8 mars. Préparation pour le départ vers l'île de Mayes. Nous (Peter, Patrick et moi) partons en zodiac vers les fjords dans le dédale des îles depuis la base.
Zodiac, frêle et puissant, sur la tôle ondulée des vagues. Les xxxx ont été bien amarrées sous la bâche rouge et nous revêtons des cirés jaunes. Nous longeons la côte puis traversons les bras de mer qui séparent les îles. Seule une connaissance approfondie du terrain permet de trouver sa voie dans ce dédale où tout se ressemble.
Tout au fond de l'anse St Malo, le second chalet construit par Peter. Le lieu et le chalet sont à l'unisson. Silence et cris d'oiseaux.
Nous marchons jusqu'à l'ancienne cabane, suivis par Marcel, un skua apprivoisé par P & P lors de leur chantier chalet
L'après-midi, longue promenade sur le plateau et autour des bases à la chasse au renne. Pas de renne mais des bois en abondance que nous ramenons. Ils formeront une étrange figure graphique sur la bâche du zodiac. Au dîner le soir un chat sauvage tiré par P. Préparé en carry, le goût en est fin. Vent, soleil, brume en l'espace de quelques minutes.
Lundi 9 mars. Aquarelles le matin. Nous nous rendons au bras Jules Laboureur. Sur le trajet un arrêt café à la baie de l'Observatoire.
La chasse au mouflon a été bonne et l'équipe attend un chaland.
Le bras Jules Laboureur est un lieu spectaculaire. Partout des îlots en enfilade qui unissent leurs rochers sur une vue gris bleu métallique. Le premier chalet construit par P. est aussi chaleureux que le second.
Ballade dans la grande terre et pêche à la truite ........
......au lac à proximité.
De là-haut l'île est superbe avec en arrière plan le massif Ross enneigé. Sauvage et austère avec les parois rocheuses et l'océan qui couvre par plaques les pentes
Au retour, nous visitons l'île de la Ballerine, si petite, intacte avec ses plantes endémiques, tel le choux des Kerguelen. Nous grimpons au sommet de l'île du Cairn à Jennifer d'où l'on voit la forme suggestive de l'île de la Ballerine
En fin d'après-midi départ pour Port Jeanne d'Arc. Très belle journée lumineuse. PJDA absorbés à la tombée du jour, fantomatique dans la clarté lunaire.
Nous couchons dans la maison de bois construite par les Norvégiens en début de siècle - et c'est étrangement émouvant.
Mardi 10. PJDA. Je marche le long du littoral en suivant la trace des planches et poutres rejetées par la mer, blanchies comme des os.
A PJDA vastes amas de cuves, fours, pièces métalliques. La rouille, le vent. Quelques bâtisses sont encore debout. La porte poussée et on entre dans le passé - vieux fours et cuisinières à bois, outillage obsolète. Contemplation zen. Je remonte le torrent jusqu'à la cascade sur les pentes vertes : au soleil, l'endroit murmure des paroles apaisantes. Sur le plateau une tombe solitaire, une croix en bois sans nom. Départ dans l'près-midi pour Fort Bizet, l'île des moutons. Marche dans les 3 mornes .....
...... ferment la baie.
Un poussin de fuligineux aux plumes neuves d'un gris délicat. Ici pas d'aréna mais une herbe drue de pâturages dans laquelle il a fait bon se prélasser en regardant les nuages. Deux chaluts russes déglingués sont venus pour les moutons. Ils sont les palanguiers qui pêchent légalement dans les eaux des Kerguelen.
A contrario, le nombre de chaluts pirates ne cesse d'augmenter. Déjà la légine a disparu des eaux de Crozet. Peu ou pas de volonté politique pour mettre fin à ce piratage qui alarme les scientifiques de la base.
Comme ce sera le cas pour le XX de XX qui a mouillé en rade de PAF pour assistance médicale. A bord des lignes pirates déjà appâtées ....
Portrait de Poutine le soir, suivi de Peter le lendemain en attendant le véhicule.
Mercredi 11 mars. La Curieuse où nous retrouvons Peter Patrick et Jean-Claude (RTB) - et deux ornythos Yves et Yann et Guy Duhamel, de la manip Sourcils noirs. La Curieuse nous largue au Hallage des Naufragés, d'où une marche fatigante nous amène au chalet des Sourciles noirs. Celui-ci est construit en bord de torrent. En empruntant le chemin qui grimpe sur le flanc opposé on se rend sur le plateau et les lieux d'observation pour les albatros fuligineux. Le plateau rocailleux bord des falaises vertigineuses. La mer en contrebas éblouissante de contrastes - presque noire et presque sans transition blanc éclatant qui réfléchit le soleil.
Jeudi 12 mars. Sourcils noirs. Je marche jusqu'aux falaises de l'Antarctique pendant que RTB & Co s'occupent des fuligineux. L'après-midi passe à des aquarelles. Les soirées sont gaies et animées.
Les albatros fuligineux de retour de mer pour nourrir leurs petits font de larges cercles au ras des aplombs pour trouver leurs nids. Leur vol est d'une rare élégance. J'ai l'idée de faire une aquarelle grandeur nature d'un fuligineux avec ses plumes fourrure au nid - boule de duvet aux yeux noirs bordés de blanc. La mer houleuse ne permet pas à La Curieuse de venir nous prendre sur la côte - et la communication en mer ne passe pas.
Vendredi 13. Marche vers le Hallage des Naufragés. La perspective sur le bras de mer porte loin et le soleil lance des lueurs aveuglantes sur les collines. Rafales de vent qui rendent la marche difficile. Le déjeuner sur La Curieuse, la douche brûlante à l'arrivée, plus de bottes aux pieds - quel bonheur par contraste. J'ai installé mon "atelier" dans la salle commune du Ker-Avel et tout un chacun passe et j'aime ces allers-venues.
Samedi 14.j Journée à la base le pied à l'air pour soigner un début d'infection du pouce et aquarelles et courrier.
Patrick ramasse du pissenlit sauvage et des moules qui poussent sur un matelas serré sur le rivage
Le soir dîner d'OPERA avant l'arrivée du Marion Dufresne. - des agneaux grillés venant de l'île haute. Espèces introduites tels le mouflon, le renne, le lapin (l'île est mitée de terriers), le chat, la truite.
Lundi 16. Le Marion Dufesne est à l(autre bout de la baie. Tant le vent (plus de 40 nœuds) est puissant. Nous ne partirons que le lendemain à 18 h Journée à la base passée à l'aquarelle, lire, se reposer, et l'après-midi une toile avec Didier et Peter. Le soir trop de bruit du Foyer (to xxx) pour regarder un film.
Mardi 17. Pendant la nuit le MD a fait du fuel et chargement des containers et passagers dans l'après-midi. La mer est creusée, blanche d'écume et les barges peinent.
Crozet La manchottière en bas de la base Alfred Faure
Gerbes d'écume, le Marion Dufresne toujours dans ses falaises d'acier. Départ après le chargement des dernières hissées par les grues et calées dans les vastes entrepôts en ventre de la baleine.
Je retrouve avec bonheur ma cabine.
Mercredi 18 - Jeudi 19 - Vendredi 20 3 journées de mer pour rejoindre Crozet au petit matin samedi 21. par une très belle journée qui illumine les sommets. Les 3 jours seront occupés à des aquarelles, les croquis ultimes faits à Port aux Français et à Sourcils noirs.
Samedi 21 mars, à la base Alfred Fauré. Un petit muret de béton me permet de dessiner les manchots royaux sur le motif, endormis dans leur pose si singulière, le bec sous l'aile... Me sable noir, un vert léger, lumière claire du petit matin. Les tempêtes récentes ont laissé leur lot de cadavres de poussins que les kiwis et les skuas achèvent de dévorer.
Déjeuner à la base et après-midi de marche vers la Pointe du Bougainvillier et le cirque de Noël avec Guillaume et Pat (xxxx). Terrain difficile de mousses spongieuses. On s'y enfonce et la progression est épuisante. De belles cascades et des albatros fuligineux. Retour dans la lumière dorée de fin d'après-midi. La bibliothèque de la base est un endroit chaleureux où il fait bon se prélasser.
Dîner de fête la fin du séjour pour un certain nombre de résidents qui repartiront à bord du MD. Le départ dans la matinée le lendemain est baigné d'émotion et de larmes. J'ai le temps de faire quelques croquis avant d'embarquer par forte mer.
Dim 22 - Lun 23 - Mar 24 - Ler 25 - Journées de mer
J'en profite pour scanner quelques aquarelles et les mettre en forme pour papier à lettres. Tirage pour Yvon Balut et divers. Journées à goûter les mouvements du MD, mer calme dans l'atmosphère presque électrique de l'anticyclone.
Jeudi 26. Dans la nuit de mercredi à jeudi nous longeons la côte est, mais le volcan est dans les nuages. Belle lumière nocturne.